dimanche 25 janvier 2015

Randonnée dans les gorges de la Jonte et du Tarn

Une journée « wouaw ! ».


Après une préparation minutieuse, c’est qu’une journée comme celle-là ne s’improvise pas, nous quittâmes le joli petit village du Rozier.


Le sentier abrupt parsemé de cailloux calcaires, serpentait vers la corniche. Le soleil d’octobre nous chauffait doucement l’échine que nous avions courbée. Les sacs à dos gonflés par les sandwichs et les appareils photos nous tiraient irrémédiablement vers la descente, comme s’ils refusaient de nous suivre. De temps en temps nous soufflions en nous retournant pour admirer un paysage qui se cachait de nous et grandissait au fur et à mesure que nous grimpions. Lumière rasante et premières couleurs automnales prenaient part à la magie du lieu.
Cette fois-ci c’était le Tarn qui serpentait à nos pieds. Il ne voulait pas refléter le bleu du ciel restant vert clair de surface et vert foncé de profondeur. Chacun sa vie ! Les vestiges du causse restaient plantés là tels des sentinelles avides d’octroi. Ce n’était pas sans rappeler les grandes sœurs américaines bordant des  vallées réputées.


Nous continuions notre ascension lorsqu’une question existentielle nous sauta à la figure. Les ruines d’un village d’un autre âge accroché au rocher se dévoilèrent à nos yeux. Pourquoi s’installer aussi loin de tout et surtout de la rivière et de sa vallée fertile. Pauvreté, bannissement, désir de surveiller, de dominer, de profiter du paysage. Tout est possible, même la volonté de s’isoler, que l’on comprend plus facilement dans le fourmillement du monde actuel, le village étant en cours de réhabilitation.


Finie la philosophie, place à la grimpette. Nos chaussures de marche d’une élégante rusticité continuèrent d’arpenter mètre de dénivelé après mètre de dénivelé. Mais cela en valait la peine car soudain s’ouvraient devant nous les gorges de la Jonte. Beauté fatale !


Quelques lacets et détours plus loin, c’était un panorama sur les gorges du Tarn. Beauté fatale !


Et puis « wouawww ! », une vue en crête sur les deux vallées en même temps. Vite vite, la mitrailleuse de l’option panoramique de l’appareil photo et hop dans la boîte, mais surtout dans les yeux et dans le cœur. Les posséder toutes deux d’un simple regard, un petit peu en maître du monde. Sublimissime !


Dans un pareil décor, la pause casse-croûte ne pouvait que s’imposer. Seuls au monde, ou presque, rencontre avec trois escaladeurs, qui s’en retournaient, la face nord vaincue. « Bonjour, bon appétit », « merci », quelques rudiments de civilisation, sourires à l’appui, nous ont réconfortés, tous heureux d’être là en cet instant. Nous étions désormais tout seuls et nous nous délections avec les papilles et les yeux. Mais dans ce monde soupçonneux, du moins considéré comme tel, nous sentions une présence qui nous espionnait. Non pas un drone mais un volatile planant au-dessus de nos têtes que nous considérions comme tout un chacun comme bien faites.


Point de menace, l’homme se considérant supérieur à l’animal. Mais lui, contrairement à nous, pouvait voler sans artifices, nous condamnant ainsi au sol, confiant et méfiant tout à la fois. Il s’éloigna pendant que nous nous enfoncions dans les gorges du Tarn, côté nord, sous la corniche. Nouvelle découverte avec une végétation digne du Seigneur des anneaux, un versant tout moussu, verdoyant sous les pins et les buis. La falaise n’était pas loin pour autant, elle se laissait deviner à travers la ramure.


Nous progressions discrètement parmi la végétation. Le regard perdu dans un paysage grandiose.


Quand tout à coup : « chut, écoute ! ». Un grincement, des chuintements, comme une conversation d’un autre genre, des êtres en grande discussion. Quelque rassemblement elfique ? Et puis : « regarde là ! Re-wouawww ! ». Clac, clac l’obturateur et… « Ben, pas mécontente de mon œuvre » et surtout ravie de cette rencontre sauvage avec un jeune vautour fauve en liberté. Deux instantanés de l’envol du repaire familial. Il n’était pas seul, très certainement parents, frères et sœurs l’accompagnaient.



Il m’a été difficile de me remettre de mes émotions et de la magie du moment. Surtout qu’avec le numérique, le retour sur image permet de revivre  immédiatement et intensément cet instant. La charge affective en est doublée, pour mon plus grand plaisir.
Longtemps auparavant, j’avais tellement tanné mon mari! Je voulais la faire absolument cette randonnée pour voir les vautours. Cela en était presque devenu obsessionnel. Imaginez donc, j’en étais toute retournée et comblée. J’étais là pour eux et eux pour moi.

Notre marche se poursuivit. Nous étions prêts à l’éventualité de revivre quelque chose d’exceptionnel. Nous avons découvert que des hommes libres avaient eux aussi également choisi de vivre là, en retrait, dans une quête d’indépendance. Grotte, village troglodytique, ermitage se succédaient, implorant la protection de la roche toute puissante.




C’était bien joli tout ça mais le plus dur restait à faire, il nous fallait grimper pour passer de l’autre côté, vers les gorges de la Jonte, afin de boucler la boucle.
« Après l’éperon rocheux, le sentier s’élève à droite en lacets (montée physique) » qu’ils disaient dans le topo. « Ben, pas qu’un peu mon vieux ! ». Nous avons pensé que nous n’y arriverions jamais. Toujours pareil quand vous montez, vous avez l’impression d’en voir le bout, ben non, pas encore…et puis…ben non pas encore. Vous suez, vous soufflez, votre panoplie de super photographe vous pèse.
Le rocher avait beau nous narguer, il fut vaincu. Enfin le sommet où chacun apporte sa petite pierre à l’édifice, comme un hommage aux précurseurs ayant ouvert la voie, ici René Blanc.



Nous retrouvions les gorges de la Jonte encore baignées de soleil ; son inlassable trajectoire le précipitant vers l’horizon. A l’image de l’humanité, il allait se coucher. Les oiseaux en profitaient encore pour vaquer à leurs dernières occupations. Pendant que les vautours planaient en cercles réguliers, d’autres que nous ne connaissions pas jusqu’alors, lançaient leurs cris. Nous avons ainsi pu découvrir le crave à bec rouge, posé au milieu de la paroi rocheuse.


Le grand corbeau quant à lui imposait sa présence dans le bleu du ciel, de son cri guttural.


Je vous laisse imaginer le scepticisme du crave devant le spectacle qui s’offrait à lui. Partageant sa falaise, un bipède maladroit, essayait d’escalader la roche ou de prendre son envol ?


Nous voilà de retour au point de départ. Fourbus mais heureux, nous descendions vers ce charmant village épousant au mieux la beauté du décor qui l’entoure.


Le soleil venait de nous quitter, notre regard émerveillé et perdu vers un horizon somptueux.


Fin de la journée « wouaw ! ».
- « J’en veux encore »
- « Non, on dit j’en voudrais encore ».


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